viernes, agosto 25, 2006

Cinquantième journée



Une très jeune fille qui ressemble à mon enfance marque l'achèvement des mots.

J'avais au début de cette traversée donné un rendez-vous à cette cinquantième journée.

Il s'agissait alors pour moi de savoir où en serait cette sorte d'aventure à l'échéance d'une durée qui me paraissait raisonnable en terme d'écriture. Non sur le nombre de pages accomplies, ce qui en soi ne signifierait que peu de choses. Mais bien plutôt sur l'intention qu'avait cette histoire d'être racontée.

Cette intention m'a été favorable et presque méticuleuse dans ce rendez-vous que je lui avais fixée : le livre s'est terminé cette nuit.

Je vous ai dès le commencement parlé des circonstances troublantes dans lesquelles cette histoire m'était arrivée, à moins que ce ne soit moi-même, surgie ou tirée par quelque improviste jusqu'à Elle, qui en arrive à cette rencontre : étonnée comme on le dirait d'un coup de tonnerre, ou plutôt d'un coup de foudre.

Quoi qu'il en soit, elle fut et sera sans doute bien longtemps après son écriture un moment fort de ma vie. Un moment peut-être unique.

Liés qu'ils furent à ma présence ici, c'est comme naturellement que j'empruntais le temps de cette brève traversée les rivages de votre mer intérieure, celle que vos ancêtres appelèrent dans leur belle langue mare nostrum, notre mer, celle que vous-mêmes nommez encore Méditerranée, la mer au milieu des terres : un autre lien sans hasard qui en cet été 2006 fut bien vite un signe, sinon un appel.

L'autre navire qui fut le mien durant ces cinquante jours, nef à la fois visible et invisible qui me porta et me lia à vous en quelque sorte, c'est celle où je suis en train de vous écrire une dernière fois, où quelque temps encore vous pourrez me lire, si vous en avez le désir.

Ce choix de mêler deux époques d'apparences si lointaines, si différentes, me plut d'emblée : parce que précisement l'histoire m'avait apprise la puissance infinie du lien qui s'établissait entre l'une et l'autre, la force commune qui leur donnait un même sens, un même cheminement.

Nous sommes ensemble parvenus à une époque qui est elle-même le terme d'un voyage.

Ce qui ne veut pas dire une fin.

Ce qui veut dire autre chose, quelque chose dont parlera ce livre, précisement.

Quelque chose dont deux ou trois des mots que j'ai laissés ici murmurent à leur manière, petits cailloux bavards semés sur le silence qui règne encore ici.

Je souhaite de tout mon coeur que vous sachiez les écouter, et plus tard les entendre.

jueves, agosto 24, 2006

Quarante-neuvième nuit



Et toi : dors-tu quand la nuit est belle
Quand l'eau me cherche et me fuit comme toi
Quand je te donne un coeur longtemps rebelle ?
Dors-tu, ma vie, ou rêves-tu de moi ?

Marceline, 1


miércoles, agosto 23, 2006

Quarante-neuvième journée


Mer


ces cailloux de coeur gris que tes marées sèment


qui de nous les liera du sens où tu signes





de plaisir et de sel

chacun de nos sexes ?


martes, agosto 22, 2006

Quarante-huitième nuit




- Je suis un mur,

et mes seins

en figurent les tours














Aussi ai-je à Ses yeux vraiment trouvé la paix

Cantique,
3

Quarante-huitième journée

Notre soeur est petite : elle n'a pas encore de seins formés...



Que ferons-nous de notre soeur le jour où il sera question d'elle ?

- si elle est un rempart,
nous élèverons au faîte un couronnement d'argent


si elle est une porte,
nous dresserons contre elle des ais de cèdre...


Cantique, 2

lunes, agosto 21, 2006

Quarante-septième journée







Briser toute entrave


dis-tu

rêver des échappées







- ou bien briser ce rêve


regarder dans l'ombre des chaînes

ce qui n'est déjà plus qu'un filet

qu'un filet d'ombres


un soupçon de sommeil que le soleil dissout


domingo, agosto 20, 2006

Quarante-sixième journée



Ce miroir où tu nous renvoies dos à dos mais ensemble,

main dans la main, coeur siamois.


sábado, agosto 19, 2006

Quarante-cinquième journée



Je fais mon lit de toi, Mer



Je m'y étends de tous mes mots

Et toi, à chaque fois tu me dis qu'il sont incomplets
qu'ils sont inutiles

A chaque fois tu me prends sous le sceau
de ton secret

Où dans ton livre ouvert tu m'ensemences
de ton silence ainsi qu'il se confie


De ton univers ainsi qu'il se parle


viernes, agosto 18, 2006

Quarante-quatrième journée



Quand la mer tourne aux quatre vents de ta crinière


Fille hippocampe oh la plus aimée des merveilles

Ton sexe est mon soleil et ton corps est ma terre


jueves, agosto 17, 2006

Quarante-troisième journée



Une statue de mer

ayant la douceur de ta peau
une statue de ciel au nombril de ton coeur

Avec
au fil de mes caresses
sans cesse

mes doigts pour la polir


miércoles, agosto 16, 2006

Quarante-deuxième journée



De cent façons je chanterai

la terre encore et ses merveilles

en attendant que Tu viennes me prendre...

Novalis, 1

martes, agosto 15, 2006

Quarante-et-unième journée





Dresse



dans le noir de ses yeux deux soleils


Ce double sexe


il sera la Lumière de ton monde





Oracle
Delphes, XXIe siècle ap J-C


Quarantième nuit



Ci-gît

La Nuit

Mère de tes songes

Mémoire de tes lendemains


Epitaphe
Delphes, VIIe siècle av J-C



lunes, agosto 14, 2006

Quarantième journée

La plus belle des choses, pour certains, c'est une troupe de cavaliers
pour d'autres une armée de fantassins
pour d'autres encore une escadre en mer





Et pour moi

c'est de voir

quelqu'un aimer quelqu'un

Sappho, 4

domingo, agosto 13, 2006

Trente-neuvième journée


Puis à l'heure bleue de Ton aube

plonger poisson-chatte

poisson-volante

dans l'eau de Tes ailes !


Trente-huitième nuit


Foi dix fois cent fois que chacun de tes doigts dévoile




mon corps

Ce sentier lumineux quand ils remontent en moi

qu'ils s'enfoncent au plus profond du culte de mon coeur

qu'ils servent Ta Beauté

qu'ils l'illuminent à travers moi

Déesse !

sábado, agosto 12, 2006

Trente-huitième journée

Invisible mystère où tu sais que mon coeur



se serre


fille à la soie couleur de ma

FOI


viernes, agosto 11, 2006

Trente-septième journée

Quand je me tiens

nue

le long de ton corps



entre la brume et l'aurore




mille fois c'est chaque

fois la même chose




c'est mon premier matin


jueves, agosto 10, 2006

Trente-sixième nuit


Déesse

dis,

m'emmèneras-tu ?





un jour une nuit

dans ce pays d'au-delà nos paupières

d'au-delà la frontière


où nos regards survivraient à nos yeux


Trente-sixième journée


Viens du Liban ma fiancée
viens du Liban fais ton entrée
abaisse tes regards des cimes de l'Amana
des cimes du Sanir et de l'Hermon
repaire des lions
montagnes des léopards...





Tu me fais perdre le sens

ma soeur ma fiancée
tu me fais perdre le sens
par un seul de tes regards
par une seule perle de ton collier
que ton amour a de charmes
ma soeur ma fiancée...

Tes lèvres ma fiancée
distillent le miel vierge
le miel et le lait
sont sous ta langue
et le parfum de tes vêtements
est comme le parfum du Liban...

Tu es un jardin bien clos
ma soeur ma fiancée
un jardin bien clos
une source scellée
tes jets font un verger de grenadiers

et tu as les plus rares essences

le nard et le safran
le roseau odorant et le cinnamone
avec tous les arbres à encens
la myrrhe et l'aloès
avec les plus fins arômes
source qui féconde les jardins
puits d'eau vive
ruisseau dévalant du Liban !

Cantique des Cantiques, 1


miércoles, agosto 09, 2006

Trente-cinquième nuit



La musique creuse le ciel

Charles, 1


Trente-cinquième journée


Nous ne nous sommes pas suffisamment pénétrées de ta

FORCE



DEESSE



Nous avons longtemps vécu dans cette impuissance de nos propres
faux-semblants

dressées si sages sous la main des sculpteurs
drapées au doigt et à l'oeil
de leur désir

toujours si lumineuses et si lisses
faites de cette peau dont ils font leurs tambours
leurs chants de guerre



Alors que nos langues à nous fouillaient parmi ce vacarme

alors que nos mains cherchaient parmi nous-mêmes




une issue possible à l'enclos de nos


CORPS


martes, agosto 08, 2006

Trente-quatrième journée


l'image à inventer de
cet autre statut



ce serait donc ça ta déchirure

ta fêlure depuis l'enfance

cette avancée dans ton mystère
jour après jour ce qui t'amène

au plus profond du miroir



où tu te figures être toi-même




sans jamais parvenir à te voir


lunes, agosto 07, 2006

Trente-troisième journée



ECCE HOMO


domingo, agosto 06, 2006

Trente-deuxième journée


Car s'il y a ce que berce en douce le songe de ta solitude






l'avenir te sera double


sábado, agosto 05, 2006

trente-et-unième journée



Envers et contre rêve



Voilà que des lois d'un tout autre équilibre s'emparent de ce monde


Outrée de tes anciennes frontières

soeur

tu es cette aube de


L'HOMME NOUVEAU


viernes, agosto 04, 2006

Trentième journée



Premier mois de traversée.


Quelques fragments de phrases, quelques vers, quelques mots seuls souvent, témoins si minces de navigations de langues et d'âmes aujourd'hui disparues : qui m'ont accompagnée pourtant chaque jour, chaque heure parfois lorsque les tempêtes autour de moi me donnaient leur avis vrai sur ma littérature en me la recrachant au visage, en claquant ce petit coeur sans épaisseur, ces doigts sans pudeur qui avaient osé les affronter !

Chacun de leurs coups aurait pu me couler, chacun de leurs crachats me noyer : une mort glauque, gluante, petite glaire sans gloire et sans doute bien méritée.

Elles se sont contentées de m'y rouler, ce fut leur leçon d'humilité à elles.

Mordre la poussière sur la terre, lécher de tout son saoul l'humeur salée des mers : être humaine à sa seule condition.

Leur autre leçon, la moindre des vagues la rappelle : dans ce qu'elle roule, elle, d'un savoir-faire profond, d'une sorte d'inspiration saline et solaire en même temps, mais surtout de l'obstination farouche, de l'audace sans frein de tous ceux, de toutes celles qui avant moi se seront jetés à l'eau, au voyage : et qui l'auront réussi, à force de cette application quotidienne à ne pas renoncer, à ne pas déchoir de ce que ces mêmes tempêtes attendaient d'eux !

Car elles attendent ! Oui, elles attendent, et c'est en cela qu'elles comptent sur nous, dans le silence à la rumeur répétée de leurs vagues : cette sorte de livre muet qui contient l'autre livre, ce livre en travail, ce livre de ventre où
d'abord se tient la femme, et l'homme aussi qui en naît.

Sorte de folie lente et furieuse à la fois, et qu'ils ignorent souvent, ceux qui s'embarquent !


Folie ignorée qui fait cependant qu'ils le prennent, le large, le saisissent à plein bras, à plein coeur, et dès lors n'ont de cesse de se poursuivre eux-mêmes : en se criant d'avancer, d'avancer, d'avancer, sinon de toucher terre.


jueves, agosto 03, 2006

Vingt-neuvième journée


Chaque vague à l'éphémère rencontre de chaque vague






Mais vous y brillerez bien plus splendidement
Qu'en la pierre souillée par les injures du temps


William, 1


miércoles, agosto 02, 2006

Vingt-huitième nuit



Vagabonde


Seul le poème a su t'épouser



La mer entière pour nuit de noces

Sappho, 3


Vingt-huitième journée


Obscène


La mise à mort de ta bouche



Obscène, obscure

leur voilure non contre le vent mais contre ton visage



mais pure

pure

TROIS FOIS PURE


ta croupe quand je la monte





à cru



martes, agosto 01, 2006

Vingt-septième journée



ἄειδε θεά...



Mer nourricière,


souvent, à l'aube, je m'assieds face à toi



Je n'ai pas oublié ma légendaire ancêtre,
celle à qui tu apportas un à un chaque mot neuf
chaque mot vierge alors et qu'il s'agissait d'éprouver

J'ai aussi ce souvenir qu'elle le faisait sonner dans sa bouche, longuement, très longuement

comme un baiser de Toi

comme une étreinte de sel et de miel mêlés !


ἄειδε θεά, ἄειδε...


lunes, julio 31, 2006

Vingt-sixième journée

Guetteuses

de quel navire nouveau ?


Toi tu sais qu'il leur ressemble

mon regard où ne jouent plus mes yeux brûleurs d'hommes

-un peu de feu beaucoup de cendres, et l'âcre goût qu'a toujours la fumée-

Toi tu sais qu'ils ont quitté ma rive de femme au sexe sûr de femme au ventre plein du cercle sans fin des enfances


des enfants sages qui se reproduiront





C'est la mer désormais qui s'y cherche mais je ne sais pas encore

QUOI

un reflet ?
le secret d'un autre lendemain qui chante

une histoire qu'on ne saurait déjà par coeur ?


domingo, julio 30, 2006

Vingt-cinquième journée


Abandonne-toi


à prendre la mer comme elle sait prendre ton corps

par tous ces sorts qu'elle a noués pour toi

sans que tu le saches, là-bas dans ses ciels où tu n'es pas allée, là-haut dans ses abymes où tu n'iras

jamais

mais qu'il s'agit pour toi de saisir

de saisir sans attendre




Chaque vague dedans ton coeur ne t'embrasse qu'une fois

Sappho, 2


sábado, julio 29, 2006

Vingt-quatrième journée



Aube, 2



Cet autre soleil ce ne sont pas tes yeux

C'est ce secret qui nous lie sur tes lèvres

Dans la lueur de ma salive


viernes, julio 28, 2006

Vingt-troisième nuit


Soleil
de mes nuits

d'Amour avec Toi


Notre manière de le faire ils l'appellent

baiser noir

peut-être en l'honneur de nos sexes en l'honneur de cette arche par où


TOUS


ils sont passés


Vingt-troisième journée


Eau plus claire qu'un midi dressé


Pluie pure ou pur baiser

Celle qui sait me mouiller jusqu'à l'intime




conviction



de mon coeur



jueves, julio 27, 2006

Vingt-deuxième journée


Le centre de la mer c'est le centre du monde



c'est l'antre de ton corps dont je sens la salive

eau douce

où me parle ta langue


miércoles, julio 26, 2006

Vingt-et-unième journée


Chaque jour est un ciel entrouvert




vers


Toi


deux elles dont nous sommes faites




martes, julio 25, 2006

Vingtième journée



Aube.



Aube de cette vingtième journée depuis mon départ.


J'avais annoncé cette traversée comme la chronique d'une traversée. Petite fille à jamais d'un pays disparu, je pensais sans doute encore Marche en avant.

Marche, saut, bond
: autant de souvenirs doux-amers d'une planète défunte où nous allions, rangs et coeurs serrés, uniformes mais souriantes, changer le Monde ! Ce furent en fait autant de mouvements circulaires, de sursauts sanglants, de hoquets douloureux : suivant en cela les terribles courants d'ivresse et de nausée qui s'emparent de tous les petits corps humains lorsqu'ils croient avoir aboli le règne de leurs anciens dieux, alors qu'ils n'ont fait que les dissimuler derrière la tyrannie de leur propre peau nue, de leur peau dénudée et exposée à devenir la Grande Marchande d'elle-même.

Nudité, dénuement pourtant éphémère : car ces mêmes dieux, dans l'épaisseur du mystère qui est le leur, nous ont façonnées mortelles, nous chargeant de surcroît d'assurer par notre ventre même la pérénnité de cette étrange et merveilleuse blessure dont on ne guérit pas, et qui a pour nom la vie.

Il s'agit donc de vivre. De vivre condamnées, mais de vivre libres. De ne jamais plus s'étourdir à des masques, de se rappeler dans chaque instant à la seule loi qui vaille : celle de la rumeur de la vague, celle qui bat dans notre coeur quand nous la confions à quelque coquillage : parce que cette vague, elle n'est rien d'autre que l'horloge, ou plutôt le métronome à la fois naturel et sacré qui connait, lui, ainsi que son nom l'indique, la Mesure de toute chose, la Mesure-Mère.

La Mesure de l'Amour infini de cette Mère.

C'est cette longue marche de soi vers Elle et de soi vers Soi que j'ai donc entreprise.

Dans la seule Langue qui en valait la peine et le bonheur mêlés, celle qu'on appelle je crois chez vous Poésie.

Derrière, à côté, à l'intérieur même de ce qui avance ici il y a, je vous l'ai dit dès le début, ce livre, ce compagnon de route invisible mais grâce à qui pourtant se tendent chaque jour, chaque nuit ces quelques lignes brèves, ces quelques lignes minuscules tendues sur cet étonnant espace où vous êtes en ce moment avec moi, et qui, à sa manière, lie nos traversées.

Ce livre, il marquera de son achèvement la fin du voyage : il le sait, et moi aussi. Telle est la règle du Jeu.

Alors nous nous séparerons. La Mer, elle, continuera.

Un jour, une nuit, elle nous réunira.


Dix-neuvième nuit


Ta lumière

Lune

fille de la Femme !




Tu donnes à ma peau cette couleur diaphane qui au matin saura traverser le soleil : le pénétrer à son tour, lui arracher ce rayon dont il fait la fierté de ses fils, tout en les consumant.




Repose, mon corps, toi sur qui la Beauté pèse

Sappho, 1


lunes, julio 24, 2006

Dix-neuvième journée



Le sommeil lourd des roches

Les rêves dont l'emplit le livre de




V A G U E S



à c h a q u e c o u p

FECONDES






Ces statues de mots noirs épris de longs voyages

Arthur, 3



sábado, julio 22, 2006

Dix-huitième journée

On dit aussi qu'il existe une autre île

là-bas bien plus loin

où souffle un esprit fait d'amour et d'émois





Une île au peuple agile

dont on ne sait de qui son sourire tient

de ce garçon mouillé d'un désir fin

ou bien

de cette fille au sexe droit